L’imprévision est-elle un concept juridique utile pour faire face à la crise du COVID-19 ?

Pendant longtemps, et jusqu’à l’avancée issue de la réforme du droit des contrats, les tribunaux français refusaient de modifier les contrats valablement conclus lorsqu’une partie se trouvait dans l’incapacité de remplir ses engagements car ces derniers étaient devenus beaucoup trop coûteux, du fait d’une modification importante des circonstances économiques et de l’équilibre du contrat. 

 

Qu'est-ce-que l'imprévision ?

 

Depuis la réforme du droit des contrats, l’article 1195 du Code Civil énonce : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. 

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »

Cet article permet aux parties de solliciter une renégociation du contrat en cas de changement brutal des circonstances économiques rendant très coûteux pour une des parties, le respect de ses engagements.

 

La mise en oeuvre de l'imprévision

 

La soudaineté et la brutalité de la crise sanitaire que nous traversons bouleverse la vie économique et les contrats qui la régissent. Certains sont tellement touchés par les conséquences du Covid-19 que l’exécution des engagements pris dans leurs contrats apparaît parfois impossible. A ce titre, le recours au concept de l’imprévision peut-elle leur permettre de surmonter cette épreuve ?

Sa mise en œuvre n’est pas très aisée puisque la renégociation des termes du contrat suppose l’accord de l’ensemble des parties au contrat. C’est uniquement en cas d’échec que les parties peuvent soit, mettre un terme au contrat, soit saisir le juge pour qu’il adapte le contrat ou pour qu’il y mette fin.  Ainsi, il y a de grandes chances que si les parties n’ont pas réussi à adapter le contrat, le juge n’y parvienne pas forcément, cette mission sortant du cadre ordinaire de ses fonctions.  Reste donc la dernière solution qui consiste à saisir le juge afin que celui-ci révise le contrat ou y mette fin ce qui sera source d’insécurité et qui ne sera pas forcément satisfaisant pour les parties.

En outre, il faut souligner que l’utilisation de cet article implique au préalable la démonstration d’un « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat » qui rendrait l’exécution des engagements pris dans le contrat excessivement onéreux pour une partie. 

Cet article a plutôt vocation à être utilisé lorsque le changement de circonstances est définitif, de ce fait il semble mal adaptée à la crise du coronavirus. 

 

L'imprévision est-elle alors applicable sur le cas du Covid-19 ?

 

En effet, d’une part, la crise du Covid-19 est temporaire. D’autre part, elle ne rend pas « l’exécution excessivement onéreuse pour une partie » mais empêche « simplement » le contrat de s’exécuter normalement puisque, par exemple, pour le contrat de bail commercial, le locataire a l’interdiction d’accéder à son commerce par l’effet d’un décret (ce qui rend impossible l’obligation de délivrance du bailleur) et il ne peut exploiter normalement son commerce (ce qui rend impossible l’obligation d’exploitation du locataire et porte atteinte à la pérennité de son entreprise dès lors qu’il doit payer son loyer en l’absence de tout chiffre d’affaires). 

L’article 1195 du Code Civil n’apparaît donc pas adapté à la crise du Covid-19 et ce d’autant plus qu’il précise bien que celui qui veut se prévaloir de cet article pour tenter une renégociation du contrat doit respecter ses engagements pendant la renégociation et donc, en cas d’échec, pendant tout le temps de la saisine du juge ce qui peut prendre plusieurs mois voire des années. Il ne nous semble donc pas adapté à la situation du locataire qui souhaite, au regard de la fermeture temporaire de son commerce du fait du Covid-19, suspendre le paiement de ses loyers par exemple ou obtenir une franchise. De manière générale, le processus imposé par l’article 1195 du Code Civil ne permet pas d’aboutir à une solution rapide pour les parties confrontées à la crise actuelle. 

Néanmoins, de manière générale, si la crise du Covid-19 changeait de façon durable et profonde l’équilibre économique du contrat, il pourrait être utile de saisir le juge afin que celui-ci révise votre contrat, attention toutefois il ne faudra pas que vous ayez renoncé à l’application de ce texte dans votre contrat.

Sur le long terme, s’agissant plus particulièrement des baux commerciaux, il faudra penser également aux mécanismes de révision du loyer en cas modification durable de l’attrait commercial des lieux à long terme. Bien des pistes peuvent être explorées, et mieux adaptées à votre cas particulier. 

 

 

A plus court terme, il apparaît préférable de négocier directement avec votre cocontractant, afin de trouver une solution viable et pérenne pour tous ou d’avoir recours aux délais de paiement. N'hésitez pas à consulter notre article sur les délais.

Pensez également à vérifier si votre contrat contient une clause d’imprévision ou de hard ship, c’est-à-dire une clause qui prévoit un mécanisme de renégociation prévu par les parties en cas de crise. Si tel est le cas et que vous remplissez les conditions qui y sont prévues, nous pouvons vous accompagnez pour la mettre en œuvre et renégocier votre contrat.


Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter, l’équipe QUINTUOR est à vos côtés par courriel à contact@quintuor.com et au 03.20.21.98.99 pour vous répondre précisément et pour vous offrir un accompagnement sur mesure en fonction de vos besoins.

 

 

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